L'absence de formation sanctionnée par la justice

 

 

 
 
28/06/2010

Le "jaune budgétaire" (document ministériel de préparation du budget annuel) accordé à la formation professionnelle, annexé au projet de loi de finances pour 2010, nous apprend qu'en 2007 les entreprises y ont consacré 12 milliards d'euros, dont 83 % pour leurs salariés. Pour la même année, 14 164 organismes privés de formation ont réalisé un chiffre d'affaires de 6,4 milliards d'euros, en progression de 7 %.

Pour l'individu, la formation continue peut être un instrument de promotion sociale, de mobilité ascensionnelle et, en période de chômage de masse, un moyen d'assurer son employabilité.

Le code du travail, inspiré par divers accords collectifs nationaux, reconnaît des droits à formation à l'initiative du salarié : le congé individuel de formation (CIF), qui doit permettre de suivre une formation à finalité de développement personnel ou de reconversion professionnelle, et le droit individuel à la formation (DIF), un droit capitalisable qui s'exerce avec l'accord de l'employeur pour des formations courtes.

La formation professionnelle relève aussi de la responsabilité de l'employeur. Elle se traduit à titre principal par l'élaboration d'un plan de formation de l'entreprise. Mais, comme l'a synthétisé la mission parlementaire sur la formation tout au long de la vie en 2008 : "Il est bien établi que ce sont, d'une part, les salariés déjà les mieux formés et, d'autre part, les salariés appartenant aux grandes entreprises qui bénéficient davantage de formation continue, au détriment des salariés moins qualifiés, des salariés des petites et très petites entreprises, et des femmes salariées." Sur injonction présidentielle, les partenaires sociaux et le législateur ont, en 2009, réorganisé les actions de formation du plan patronal et créé un "bilan d'étape professionnel" et un "passeport orientation et formation".

Plus fondamentalement, la Cour de cassation vient, par un arrêt du 2 mars 2010, de réitérer une solution déjà formulée en 2007, ajoutant une nouvelle dimension aux déclarations, débats, rapports et réformes en la matière : celle de la sanction pécuniaire sur la base de la responsabilité contractuelle, du fait de l'existence même d'un contrat de travail.

DOMMAGES ET INTERETS

Pour la haute juridiction, en effet, le fait que les salariés n'aient "bénéficié d'aucune formation continue pendant toute la durée de leur emploi dans l'entreprise établit un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi" ; la solution est la même pour "des salariées, présentes dans l'entreprise depuis respectivement vingt-quatre et douze ans, (et qui) n'avaient bénéficié que d'un stage de formation continue de trois jours en 1999".

Le montant des dommages et intérêts versés aux salariés n'est pas connu à ce jour. Il ne sera d'ailleurs peut-être pas aussi facile que cela pour les salariés de prouver quel est le montant exact du préjudice qu'ils ont subi du fait de l'inaction fautive de l'employeur.

Il n'empêche. On remarquera que la Cour de cassation ne vise pas seulement l'emploi que le salarié occupe à un moment donné mais "un emploi" en général. L'obligation de l'employeur est donc entendue au sens le plus large. Elle s'étend ainsi aux petites entreprises, qui ne se voient pas appliquer les obligations légales en matière de formation.

Ces arrêts sont d'ailleurs cohérents avec l'ambitieuse disposition du préambule de notre Constitution qui garantit "l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture".

Mais la poursuite de cet objectif n'exigerait-elle pas également, au-delà de la contrainte juridique, de "dégraisser le mammouth" privé de la formation professionnelle continue, vilipendé par la mission parlementaire déjà citée pour son peu d'efficacité au vu des sommes investies ?

Source Le Monde

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